Les circuits courts confrontés à la pression concurrentielle des grandes enseignes
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À Spechbach, Jérémy Pflieger pensait avoir trouvé la bonne formule lorsqu’il a repris l’exploitation familiale en 2014. Miser sur les œufs bio et la vente en circuit court semblait alors une stratégie prometteuse. Le succès est au rendez-vous : l’activité se développe, si bien qu’il investit dans deux nouveaux bâtiments pour accueillir 2 400 poules pondeuses. La période du Covid ne fait que renforcer ses convictions : les consommateurs plébiscitent les produits locaux.
Mais en 2022, le vent tourne brutalement. « La demande en œufs bio s’est effondrée », constate-t-il aujourd’hui. Les débouchés se raréfiant, il n’a d’autre choix que de revoir toute sa stratégie : il se réoriente vers la production de poulets de chair, nécessitant un nouvel équipement. Le précédent, à peine amorti, dort désormais dans un hangar.
Comme beaucoup d’agriculteurs, Jérémy a misé sur un modèle qui paraissait durable. Mais une fois le confinement levé, les consommateurs sont nombreux à retourner vers la grande distribution. Sur le marché de Riedisheim, où il vend sa production, il constate une baisse de fréquentation : seuls les clients les plus fidèles restent.
Une tendance que confirme le dernier baromètre de la plateforme Pourdebon.com : en 2024, dans le Grand Est, 58 % des consommateurs achètent encore régulièrement en circuit court — un recul de 7 points en un an, et de 6 points par rapport à la moyenne nationale.
Le frein principal ? Les prix, jugés trop élevés. Une perception que les producteurs peinent à corriger, malgré des initiatives comme l’ouverture de points de vente en centre-ville, pensés pour rivaliser avec les grandes surfaces en diversité de produits. Ces efforts rencontrent toutefois un succès limité.
« Face aux campagnes de communication des grandes enseignes, on a peu de moyens pour rivaliser », regrette Ange Loing, président de la chambre d’agriculture et cofondateur du magasin Cœur Paysan à Mulhouse.
« Il suffit d’allumer la radio : en quelques minutes, on entend une publicité d’un des poids lourds de la distribution. »
Un discours centré sur une seule promesse : les prix toujours plus bas. Dans un contexte d’inflation, cet argument fait mouche, souvent au détriment des intentions initiales de consommer local.